Les routes des migrants vers l'Europe

Actu’ décodée

Des Syriens, des Irakiens, des Afghans fuient leur pays secoué par la guerre. Des milliers de kilomètres, de nombreuses frontières à traverser pour se sentir enfin en sécurité.

Depuis janvier, plus de 500 000 personnes ont traversé la mer Méditerranée pour pénétrer sur le sol européen. C’est deux fois plus qu’en 2014. Les deux tiers de ces migrants sont arrivés en Grèce et le reste en Italie. Ces deux pays, situés en bord de Méditerranée, sont en première ligne. Ils ont appelé à l’aide les autres pays membres de l’Union européenne. Les réactions de ceux-ci ont été très différentes.  L’Allemagne, par exemple, a décidé d’accueillir beaucoup de migrants. Tandis que la Hongrie a choisi de construire un mur pour les empêcher de passer sur son sol. Vous verrez comment l’Union européenne a réagi en lisant dans ce dossier l’article intitulé : « Europe : quel sort pour les migrants ? ». Depuis 9 mois, la traversée de la mer Méditerranée a coûté la vie à plus 2 800 personnes.

● Un choc : la solidarité

Il y a un mois, une photo a créé un choc. Elle montrait le corps d’Aylan, un jeune Syrien de 3 ans, mort, noyé, alors qu’il tentait, avec sa famille, de rejoindre l’Europe. Partagée sur les réseaux sociaux (sur Internet), montrée dans les journaux, à la télévision, elle a provoqué des réactions de solidarité. Mais au fil des semaines, cet élan de générosité a aussi fait place aux peurs et au rejet.

● « Pas le moment d’avoir peur »

Selon certains experts, cette crise des migrants risque de durer. L’Europe doit s’organiser. Selon le président de la Commission européenne, « ce n’est pas l’heure d’avoir peur ». L’Europe a aussi connu, par le passé, des moments durs, des guerres. Le président a rappelé que ces migrants ne représentent jamais que 0,11 % (0,11 habitant sur 100) de la population totale de l’UE. Reste que ce n’est pas facile de se mettre d’accord. Plusieurs pays de l’Est ont peur car ils considèrent cette arrivée de migrants comme une menace. Certains d’entre eux ont un pouvoir qui a l’habitude de tenir des discours racistes.

● Que veulent ces migrants ?

Parmi les migrants arrivés par la mer, 1 sur 4 a quitté volontairement son pays pour venir trouver du travail, on parle de « migrant économique ». Mais 3 sur 4 ont fui des dangers, la guerre et des situations très dures. Ce dossier tente de vous expliquer tout cela, en mettant aussi l’accent sur l’accueil des enfants.

(JDE 02/10/2015 - article téléchargeable dans nos fichiers, ci-contre)

« On voulait protéger le bébé »

Actu’ décodée

Ils sont arrivés début septembre en Belgique. Ce jeune couple, de 22 et 26 ans, vivait en Irak, un pays du Moyen-Orient. Halima porte dans ses bras leur bébé, Maryam, née 18 jours auparavant. Hassan  explique : « Mon père était un colonel de l’armée de Saddam Hussein (un ancien dictateur, un homme qui dirigeait le pays d’une main de fer et qui est mort en 2006). À cause de cela, à plusieurs reprises, on a dû quitter notre maison. Nous habitions à Karada, un quartier de Bagdad, la capitale. Notre maison a été  réquisitionnée (prise) par un des groupes armés au pouvoir dans la région. Nous nous sommes réfugiés en dehors de la ville et sommes revenus à Bagdad en septembre 2014, quand Haïder al-Abadi (un opposant de Saddam Hussein) est arrivé à la présidence du pays. Il parlait bien, on pensait alors qu’on était en sécurité. Une nuit, un cocktail Molotov (bouteille remplie d’essence) a été jeté, la maison a brûlé. Plus tard, mon père a été enlevé puis le groupe armé est revenu pour me chercher. » Ce jour-là, Halima était seule à la maison, les hommes l’ont frappée à l’oeil, au visage, tirée par les cheveux. « J’étais alors enceinte de 7 mois. Hassan travaillait, il n’était pas à la maison. Après cela, on a pris peur, notre famille aussi. Alors, la mère d’Hassan a vendu ses bijoux pour qu’on puisse prendre le bus vers la Turquie. »

● Une traversée très risquée

Après la Turquie, c’est la traversée de la mer Méditerranée vers la Grèce. Les vagues sont trop fortes et le bateau doit faire demi-tour. Proche de la côte, il se retourne. Hassan sauve sa femme de la noyade. Le couple perd tous ses papiers (passeports, cartes d’identité…) dans ce naufrage. Trois jours plus tard, le passeur accepte de refaire la traversée mais avec 48 au lieu de 60 passagers. À l’arrivée sur une île grecque, le couple reçoit une carte avec les trajets conseillés à pied pour échapper à la police. Halima n’en peut plus de marcher, elle perd connaissance. Le couple est arrêté puis conduit à l’hôpital dont il s’enfuit pour reprendre un autre bateau jusque Athènes.

● Vers la Belgique

Après cela, c’est la traversée de la Macédoine en bus, la marche vers la Serbie où le couple dort souvent dehors, se cache. Puis la Hongrie, où, contre de l’argent, un passeur promet de les déposer dans la capitale, Budapest. Mais il sépare le couple. Hassan et Halima mettront des heures à se retrouver ! Le couple repart vers l’Allemagne en bus avant de monter dans un train. En Belgique, c’est un chauffeur de taxi marocain qui le guide vers l’Office des étrangers. À peine arrivée au centre de la Croix-Rouge à Yvoir, Halima accouche, le bébé est en bonne santé ! Hassan explique : « J’ai choisi le prénom de Maryam car j’ai demandé à la Vierge Marie de sauver ma femme et elle l’a fait ! » La Vierge Marie est aussi honorée dans l’islam (la religion des musulmans, dont le dieu est Allah). Halima explique : « On a failli mourir en Irak et sur la route. À présent, on craint d’être renvoyés chez nous. »

(JDE 02/10/2015 - article téléchargeable dans nos fichiers, ci-contre)

Le parcours du migrant en Belgique

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Un schéma simple et complet détaillant le parcours administratif du migrant, dès son arrivée sur le territoire belge.

(JDE 02/10/2015 - article téléchargeable dans nos fichiers, ci-contre)

On a toujours migré

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Les êtres humains ont toujours migré. Il y a toujours eu des déplacements de gens d’un lieu de vie à un autre.

Au fil du temps, les progrès dans les transports et les moyens de communication ont davantage permis ou encouragé les déplacements dans le monde. Aujourd’hui, une personne sur sept vit dans un autre lieu que celui où elle est née. Cela représente donc un milliard d’individus. Souvent, ces personnes se déplacent en restant dans leur région d’origine, dans leur pays. On pourrait dire que ce sont des migrants internes. Il y en a 740 millions dans le monde. C’est comme cela que dans une ville comme Paris, sept habitants sur 10 ne sont pas nés dans la capitale. Parmi eux, presque la moitié proviennent d’un autre coin de France. Il est souvent peu question de ces migrants internes. Les voit-on d’ailleurs même comme des migrants ? Souvent, on appelle migrants, ceux qui franchissent des frontières. On parle alors de migrants internationaux. Sur Terre, sur 100 personnes, seules 3 vivent une migration, soit 235 millions d’individus. Il y a 50 ans, ces migrants internationaux étaient trois fois moins nombreux !

Toute migration est un déracinement. Certains migrants partent pour trouver du travail, poursuivre des études, d’autres cherchent à vivre dans un environnement plus sécurisé, d’autres encore veulent rejoindre leur famille. La pauvreté pousse beaucoup de migrants à quitter leur foyer pour un temps limité, une saison, juste de quoi avoir une autre source de revenu, un peu d’argent en plus. Sont-ils nombreux à traverser la Terre ? Non, parmi les 235 millions de personnes qui quittent leur pays, près de la moitié se déplacent dans leur région d’origine, un endroit proche. Moins d’un migrant sur trois va d’un pays en développement(pays pauvre) vers un pays riche. Car de tels voyages demandent beaucoup d’argent,  souvent plusieurs années de salaire. Cela veut dire que, dans le monde, il y a peu de migrants qui proviennent des pays les plus pauvres. Mais certains d’entre eux n’ont pas le choix car, en 2015, 38 conflits armés et guerres sont en cours.

● Des réfugiés environnementaux aussi

L’an passé, dans le monde, chaque jour, en moyenne 42 500 personnes devenaient réfugiées, demandeuses d’asile ou déplacées à l’intérieur de leur pays. Actuellement, plus de 60 millions d’individus fuient des conflits et des persécutions. C’est notamment le cas en Syrie. En quatre ans, la guerre y a poussé des millions de personnes hors du pays. Mais ce ne sont pas les guerres qui conduisent le plus de monde à fuir. Les changements climatiques, les catastrophes naturelles poussent trois fois plus de personnes à l’exil. Le Bangladesh (Asie) est un des pays les plus exposés au réchauffement climatique. En temps normal, à la saison des pluies, un tiers de son territoire est recouvert d’eau. Mais les experts sont inquiets. Ainsi, le GIEC (groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat) estime qu’il y aura 5,5 millions de Bangladais déplacés si le niveau des océans monte. L’Inde, le pays voisin du Bangladesh, cauchemarde à l’idée de voir ces habitants arriver sur son territoire. Alors, il a construit le plus long mur du monde, le « mur de la peur », qui court (s’étend) sur 3 200 km sur la frontière avec le Bangladesh. Selon l’ONU (Organisation chargée de défendre la paix dans le monde), il pourrait y avoir 250 millions de réfugiés climatiques dans le monde en 2050.

(JDE 02/10/2015 - article téléchargeable dans nos fichiers, ci-contre)

Et en Belgique?

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Depuis un siècle, qui sont les personnes qui ont migré chez nous ?

Un migrant sur deux arrive chez nous par regroupement familial. En effet, les étrangers légalement installés (ceux qui ont un titre de séjour valable) ont le droit de faire venir leur conjoint et leurs enfants. Cette idée de regrouper les familles a une histoire. Après la Première Guerre mondiale (1914-1918), trop d’hommes étaient morts au front (sur le champ de bataille). Pour trouver de la main-d’oeuvre, la Belgique a fait appel à des travailleurs en France, en Italie et en Pologne. Après la Seconde Guerre mondiale (1940-1945), le pays avait besoin de charbon (la principale source d’énergie à l’époque) pour faire fonctionner les usines et se reconstruire. Peu de Belges acceptaient d’encore descendre au fond des mines. Les autorités ont passé un accord avec l’Italie puis avec l’Espagne (1956), la Grèce (1957), le Maroc (1964), la Turquie (1964), l’Algérie (1970) et la Yougoslavie (1970) pour trouver une solution au manque de main-d’oeuvre. En regroupant les familles, le gouvernement espérait que les travailleurs immigrés ne s’en aillent pas.

● L’arrêt de l’immigration

En 1974, la Belgique a été frappée par la crise, l’économie (industries, commerces) allait mal. Le pays a décidé d’arrêter de délivrer de nouveaux permis de travail aux étrangers. Certains se retrouvaient dans l’illégalité, vivant et travaillant clandestinement (illégalement) chez nous. Jusqu’au début des années 1990, la migration s’est faite principalement par les regroupements familiaux puisque l’on ne recrutait plus beaucoup de travailleurs étrangers. L’Europe se formant, la personne qui désormais vient d’un pays membre de l’Union européenne obtient plus facilement le droit de vivre chez nous que les non-Européens. Pour ceux-ci, la seule manière de pouvoir vivre légalement en Belgique est de demander l’asile. Dans les années 1990, ces demandes grimpent. En 1999, elles atteignent 42 691 en Belgique. En Europe et chez nous, les conditions d’asile sont devenues plus strictes et beaucoup de demandes sont refusées. Si les  demandes d’asile augmentent à nouveau, elles n’atteignent pas le niveau de 1999, loin de là ! En août 2015, une demande sur deux émanait de migrants irakiens. Suivaient ensuite des demandes de Syriens, d’Afghans et de Somaliens.

● Notre population

Aujourd’hui, comme le montre le graphique ci-contre, la population étrangère atteint 11 % de la population du pays. Qui sont ces personnes étrangères ? Selon Myria, le Centre fédéral Migration, si l’on fait un classement, les trois premières nationalités sont les Italiens, les Français et les Néerlandais. En fait, parmi  les personnes qui ont une nationalité étrangère, sept sur dix sont des citoyens issus de l’Union européenne. En Belgique, une personne sur cinq est née avec une nationalité étrangère. De ces deux millions de personnes, environ 900 000 sont devenues Belges. Donc tenter de voir où en est la population immigrée et issue de l’immigration en utilisant la question de la nationalité… est de moins en moins pertinent (juste). Les migrations concernent aussi les Belges qui, contrairement aux étrangers, quittent davantage le pays qu’ils n’y reviennent. En 2014, 35 880 Belges ont émigré. C’est environ 4 Belges sur 1 000 (3,6 pour être précis) ou 0,4 sur 100.

(JDE 02/10/2015 - article téléchargeable dans nos fichiers, ci-contre)

Ces enfants qui arrivent seuls chez nous

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MENA, ça veut dire mineur étranger non accompagné. Combien sont-ils ? Qui s’en occupe?

On appelle MENA, tout jeune qui a moins de 18 ans, est étranger (ne vient pas de la Belgique) et qui est sur le territoire belge sans son parent ou une personne qui exerce l’autorité parentale. Katja Fournier, de la Plateforme Mineurs en Exil, explique : « Toute personne qui découvre un MENA sur le territoire belge doit le signaler aux autorités. Ce jeune est alors dirigé vers un des trois centres d’observation et d’orientation du pays. Pendant 15 jours, on fait le point avec lui pour comprendre qui il est et d’où il vient. En fonction de ses besoins, on tâche de trouver un endroit où il pourra être accueilli. » Combien y a-t-il de places pour ces jeunes ? Au total, il y a, pour le moment, 1 158 places sur tout le territoire. Et tout est rempli. Les mois précédents, 2 à 3 jeunes se présentaient chaque jour pour être hébergés, actuellement il y en a 15 à 22 ! Donc on pense que d’ici la mioctobre il y aura un gros souci d’accueil. Que prévoit la loi pour ces jeunes ? Elle prévoit que chaque jeune a droit à un tuteur, c’est-à-dire une personne qui le représente légalement (au regard de la loi). Cette personne va s’assurer que ses droits sont respectés, va veiller à ce qu’il aille à l’école, reçoive des soins de santé s’il en a besoin et lui trouve un avocat spécialisé. Comment des enfants arriventils seuls ? Certains fuient les combats. Ceux-là viennent demander l’asile. D’autres fuient une famille maltraitante ou absente. Ils n’ont plus personne pour s’occuper d’eux et atterrissent dans la rue puis finissent par arriver en Europe. L’État belge a été plusieurs fois condamné car il ne prenait pas bien soin de ces MENA… Oui, la Belgique a été condamnée par la justice internationale car elle a laissé des enfants à la rue. Pour le moment, elle accueille tous les MENA. Mais on est inquiet car d’ici peu, il manquera de places. Et on voit que ceux qui arrivent sont de plus en plus jeunes. Il y a davantage de moins de 12 ans et de 12-14 ans. Il y a aussi beaucoup d’enfants qui ont vécu des situations très dures, notamment des enfants syriens qui ont perdu leur papa ou leur maman dans la mer Méditerranée. Ils ont besoin d’être bien aidés, accompagnés. Si les places manquent, ces jeunes se retrouveront dans la rue, en danger, peut-être victimes de réseaux de traite d’êtres humains, c’est-à-dire victimes de criminels qui les feront travailler de toutes sortes de manières, y compris dans la prostitution (c’est quand une personne fait payer pour que d’autres personnes aient des rapports sexuels avec elle).

(JDE 02/10/2015 - article téléchargeable dans nos fichiers, ci-contre)

Europe: quel sort pour les migrants?

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Les pays européens se sont mis d’accord. Mais appliquer cet accord ne sera pas facile car tout le monde doit accueillir des réfugiés.

Les Européens sont sous pression pour faire preuve de solidarité et d’humanité. Le 22 septembre, ils ont trouvé un accord au sujet de l’accueil de 120 000 migrants, des Syriens, Irakiens et Érythréens  (l’Érythrée est un pays d’Afrique dirigé par un dictateur, un homme qui décide tout seul pour le pays). Ces migrants sont arrivés depuis fin août en Grèce et en Italie.

● Que prévoit l’accord ?

De « relocaliser » dans les deux années à venir ces réfugiés dans les pays membres de l’Union européenne (UE). Pour définir le nombre de réfugiés par pays, on tiendra notamment compte de son PIB (de ce qu’il produit comme richesse en un an). Plusieurs pays de l’Est (République tchèque, Slovaquie, Hongrie et Roumanie) ont voté contre cet accord. La Finlande s’est abstenue (n’a pas voté). Mais la décision s’impose juridiquement (au regard de la loi) à tous, même à ceux qui ont voté contre. Cette répartition des 120 000 réfugiés se fera en deux temps. D’abord 66 000 puis 54 000. La Belgique accueillera dans un premier temps 2 448 réfugiés puis 2 000 par la suite.

● Aider les pays voisins de la Syrie

Les 28 pays de l’UE ont aussi décidé de réunir au moins 1 milliard d’euros supplémentaire pour aider les réfugiés dans les pays voisins de la Syrie. En effet, plus de 4 millions de Syriens ont trouvé refuge en premier lieu chez leurs voisins turcs, libanais  et jordaniens depuis 2011. L’Europe espère ainsi qu’il y aura moins de Syriens qui traverseront la Méditerranée.

● Insatisfaite ?

L’agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR) voudrait que l’Union européenne gère autrement l’afflux de migrants. Elle demande à l’Europe de sévir contre (punir) les passeurs et de créer un système efficace pour permettre aux migrants de demander l’asile en toute légalité et en toute sécurité (pour ne plus prendre ces routes dangereuses).

(JDE 02/10/2015 - article téléchargeable dans nos fichiers, ci-contre)