Un prévenu indien est poursuivi pour traite des êtres humains aux fins d’exploitation économique à l’égard de trois compatriotes qu’il aurait exploités dans son restaurant. Ces trois travailleurs sont constitués partie civile. L’un de ceux-ci était mineur (16 ans) au moment d’une partie des faits. Le prévenu est également poursuivi pour trafic d’êtres humains et diverses préventions de droit pénal social (notamment non-paiement de la rémunération, non déclaration des prestations à l’ONSS, absence d’assurance contre les accidents du travail). Il est également poursuivi, avec une autre prévenue, pour aide au séjour illégal (avoir hébergé 8 ressortissants indiens).

Le restaurant a fait l’objet de trois contrôles successifs de l’inspection sociale (en 2012 et les deux autres en 2015). Lors du premier contrôle, deux personnes prennent la fuite, manifestement suite à l’injonction donnée par le prévenu. Il s’agissait de deux des trois travailleurs constitués partie civile, qui sont par ailleurs présents dans la cuisine lors des contrôles subséquents. Le troisième travailleur (mineur au moment du 1er contrôle) sert les clients. Les familles de deux des travailleurs (dont le mineur) vivent dans le sous-sol du restaurant. Le tribunal estime établies l’ensemble des préventions. En ce qui concerne la traite des êtres humains, le tribunal considère qu’il y a bien eu violation de la dignité humaine : les salaires payés étaient indécents (500 euros par mois pour un travail de 6j/7, 15 heures par jour, le mineur ayant été payé quant à lui 10 euros/mois), le logement des travailleurs et de leur famille était insalubre (dans une cave inhabitable et dangereuse), la nourriture était constituée des restes des clients laissés dans leurs assiettes, les passeports des parties civiles étaient dissimulés dans la conduite d’une cheminée. Le tribunal relève également qu’il est indifférent que le prévenu et sa famille aient précédemment choisi de vivre dans ces locaux ou encore que ce logement fût acceptable au regard des conditions de vie que connaissaient les parties civiles dans leur pays d’origine.

Le prévenu est condamné à 18 mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 54.000 euros avec sursis pour la moitié. L’autre prévenue est condamnée à 4 mois d’emprisonnement avec sursis. Le tribunal octroie à deux travailleurs un dommage moral de 5.000 euros et un dommage matériel correspondant à la différence entre la rémunération nette qui aurait dû être versée et la rémunération nette de 500 euros qui a été effectivement versée, soit 37.763,73 euros. En ce qui concerne le troisième travailleur, il travaillait tous les jours au restaurant lorsqu’il vivait au domicile des prévenus alors qu’il était encore mineur. Par la suite, il est venu s’installer avec sa famille dans les sous-sols du restaurant et a adapté son horaire de travail en fonction de sa scolarité. Il a travaillé tous les week-ends comme barman. Il assurait également des prestations comme serveur en salle. Il a également travaillé occasionnellement au restaurant en semaine lors de certains jours d’affluence. Il était également chargé de porter le linge de table du restaurant à la calandreuse. Son régime de travail était de 38 h/semaine dans un premier temps puis 19h/ semaine à partir du moment où lui-même et sa famille ont emménagé dans les sous-sols du restaurant. Il n’a perçu comme rémunération pour ces tâches que 10 euros/mois. Le tribunal évalue dès lors son dommage moral à 5.000 euros et son dommage matériel à 33.318.53 sur base de ce qu’il aurait dû percevoir et de ce qu’il a effectivement reçu.

Ce jugement a été globalement confirmé par la cour d’appel de Liège dans un arrêt du 13 février 2020